À l’École du Chat, on devient plus humain
Les neuf vies des chats… Ceux de nos villes, nés dans la rue ou abandonnés, n’en auraient souvent vécu aucune sans l’intervention des bénévoles de l’Ecole du Chat Libre de Paris 19e. Une association qui leur offre, aujourd’hui et depuis plus de vingt ans, une deuxième chance, une deuxième vie – et l’espoir d’en compter jusqu’à neuf !
Pour lutter contre l’euthanasie systématique des chats du cimetière Montmartre, ordonnée par la ville de Paris, Michel Cambazard crée, en 1977, le « Comité de Défense des Bêtes Libres du 18e ». Aidé d’une poignée de riverains, il se charge de capturer et stériliser les chats errants. Chaque animal reçoit une immatriculation au Fichier Vétérinaire Félin et tous sont libérés sur leur territoire d’origine. « Le 19 juin 1978, Nicolas, stérilisé, tatoué AA0831 fut relâché au cimetière Montmartre, devenant le premier chat libre de France ». Sans aucune aide financière, l’Ecole du Chat a pu voir le jour grâce à la volonté de ses membres, décidés à soigner et sauver ces chats laissés pour compte.
Les sauvetages, improvisés par quelques passionnés, se sont peu à peu organisés. On compte aujourd’hui près de 170 comités indépendants repartis dans toute la France. Ils possèdent leurs propres adhérents, leurs bénévoles et leurs sources de financement. Même si chacun « travaille dans son coin », regrette Monique Robin1 qui aimerait favoriser davantage les liens entre les comités, tous partagent l’objectif essentiel de leur mission : « Assurer la protection, le contrôle sanitaire, l’hébergement, le marquage, la stérilisation et le contrôle des naissances des chats vivant en liberté dans nos cités et à l’amélioration de leur existence en les intégrant dans les espaces verts ».
Monique Robin à Paris et Josiane Aubry2 à Nanterre ont fait leurs débuts à l’association (elles sont aujourd’hui présidentes) par amour pour les chats. La première a un jour « récupéré une chatte dans un gymnase où elle vivait avec vingt chats » et l’a adoptée. Fascinée par « l’intelligence des chats des rues », elle vit avec trois chats recueillis dans des lieux publics. La deuxième n’a pas eu à en récupérer : ils sont venus à elle ! « Une chatte a fait ses petits dans mon jardin. J’ai cherché à les stériliser, et je suis entrée comme ça en tant que bénévole pour l’association. Je le suis restée pendant trois ans, et je suis présidente depuis peu ». Simone Alim, la trésorière, possède « trente trois chats en appartement ». Elle les soigne en attendant leur placement. Quels que soient leurs parcours et leurs horizons, la motivation demeure la même pour toutes : ce sont des amoureuses des chats…
Et de l’amour, il en faut, autant que de la détermination, quand on sait que les comités ne reçoivent « aucune subvention de l’Etat ». Les seuls revenus proviennent des adhésions, des journées d’adoption, de la vente d’objets et autres braderies autour des animaux. Subvenir aux besoins et aux frais de chats toujours plus nombreux n’est donc pas facile, et ne serait plus possible sans le dévouement et le courage des bénévoles. Ce sont eux qui récupèrent et soignent les animaux. Les rescapés sont des chats nés dans la rue et des chats domestiques abandonnés ou victimes de mauvais traitements. Selon leur degré de domesticité et leur caractère, ils seront remis en liberté ou proposés à l’adoption.
Les chats des rues sont d’abord capturés. Le « trappage » a lieu sur le terrain : dans les cités H.L.M., les jardins publics ou les cimetières. Ils sont ensuite soignés, stérilisés et tatoués chez un vétérinaire ou dans un dispensaire. Puis, ils sont placés en « convalescence » chez des bénévoles ou dans un local mis à disposition par l’association. S’ils se montrent assez dociles, certains d’entre eux pourront alors être adoptés. Les moins domestiques seront relâchés sur leur territoire après négociations avec les autorités du lieu. Des « Chat-L.M. » ont été installés dans des recoins abrités, après autorisation donnée par la Mairie de Paris. Des bénévoles viennent les nourrir, veillent à leur santé et à leur bonne intégration.
A côté de ces animaux « libres », de nombreux « pris en charge » sont des chats domestiques, maltraités ou abandonnés. L’association en recueille certains après le décès de leur maître. D’autres ont servi de « ballon de foot » à des jeunes. D’autres encore sont victimes des bonnes intentions : « Une femme de 70 ans avait 30 chats dans vingt mètres carrés… Elle ne pouvait plus s’en occuper, et on les a tous récupérés dans un état lamentable. Plusieurs sont morts du fait de l’hygiène déplorable, et il nous en reste 19 à placer ». D’autres enfin sont victimes de maîtres qui les abandonnent en se donnant bonne conscience : « Ils pensent qu’en les abandonnant dans un lieu où ils seront nourris, ils seront heureux. Mais c’est faux, car en définitive, ils vont crever de faim. Ces chats relâchés sont des animaux domestiqués qui seront rejetés par les chats locaux. Ils ne peuvent pas vivre dans ces conditions, et on ne peut que les mettre à l’adoption », assure Monique. Une fois récupérés, ils sont donc soignés et stérilisés, puis on travaille à leur placement. Les journées d’adoption ont lieu une fois par an. S’y ajoutent « internet, les journaux publicitaires et le bouche à oreille ». Josiane reste lucide : « Plus nombreux sont ceux qui abandonnent que ceux qui adoptent ». Pourtant, parfois, il y a des coups de cœur : « Un couple voulait un chat noir. Ils sont repartis avec une petite chatte blanche ! ». C’est un bonheur pour les bénévoles ; leur récompense pour le travail accompli et l’amour donné sans compter.
Pour Monique, le chat reste un « protecteur de l’environnement », un animal très positif, notamment pour les enfants qui « aiment voir des chats dans les rues ». Ils apprennent à connaître l’animal, à le respecter, à le comprendre. « Les enfants connaissent tous les chats par leur prénom dans les cités ! ». Un moyen d’éducation exemplaire aux valeurs, au respect, à la vie. Un moyen, peut-être, de mettre fin à tous ces abandons.
L’Ecole du Chat Libre de Paris 19ème
76, rue de Meaux – 75019 Paris
Tel : 01.42.01.70.21
Julie Delfour (textes et photos)
30 Millions d’Amis, Hors série Chats, juin-juillet 2003
Autres articles parus dans le magazine 30 Millions d’amis
- « Chats d’artistes – Muses d’écrivains », 30 Millions d’Amis, Hors série Chats n°4, juin-juillet 2003.
- « Portrait d’Alain Boyaval, naturaliste au pays des ours », février 2004.
- « Qui veut la peau du loup ? – Dossier (7 pages) : le retour du loup dans les Alpes françaises », septembre 2004.
- « Des chiens contre les feux de forêt », 30 millions d’Amis, août 2002.
- « Le Berger Allemand : Attention, chien gentil ! », 30 Millions d’Amis n°192, février 2003.
- « Au commencement était le chien… » – Entretien avec Sœur Marie-Christine, responsable de l’élevage de Gabizos au Monastère des Ermites de Marie, 30 Millions d’Amis.
- - « La vérité sur les abandons », 30 Millions d’Amis, n°197, juillet 2003.
1 Monique Robin est la présidente de l’Ecole du Chat Libre de Paris 19è.
2 Josiane Aubry est présidente de l’Ecole du Chat Libre de Nanterre Parc.