Tchernobyl. Et pourtant…
26 avril 1986 : le cœur de la centrale nucléaire de Tchernobyl explose. Près de deux cents hommes meurent en tentant de combattre les flammes, et plusieurs milliers de tonnes de poussières radioactives se répandent dans l’atmosphère… Près de 340 000 personnes sont évacuées. 18 000 km² de terres agricoles et de 35 000 km² de forêts sont contaminés. Tchernobyl devient un désert. Aujourd’hui encore, dix-neuf ans après, les hommes y demeurent interdits de séjour.
Ce qui est un drame pour l’homme l’est aussi pour les espèces végétales et animales. Impossible, pour ces dernières, d’être évacuées. Il leur faut subir le choc et en attendre sagement les conséquences – lesquelles ne se font pas attendre : la radioactivité vient perturber les codes génétiques et modifier les séquences ADN, entraînant des malformations chez de nombreux animaux.
Et pourtant… Le malheur des uns semble faire le bonheur des autres, comme si tout n’était finalement pas si noir au pays des cendres radioactives. Se jouant du "côté obscur", la biodiversité contre-attaque ! Des équipes scientifiques ont montré qu’une centaine d’espèces, ailleurs menacées de disparition, reprennent ici du poil de la bête. Selon les résultats d’une étude américaine publiée dans Nature (2005), la biodiversité aux abords de la centrale serait même bien supérieure à ce qu’elle était avant l’accident. Des grands prédateurs comme le loup et l’ours s’y promèneraient en toute impunité, profitant d’un "désert" pas si désert que cela, n’étant en définitive qu’un désert humain…
Une lueur aussi inédite qu’inattendue vient donc éclairer la poussière noire. Sur des territoires libérés par les hommes, la vie sauvage fait retour et se prend même à foisonner sous leur nez ! La vie reprend ses droits et ses appartements, donnant carte blanche à une faune inspirée et grouillante, transcendée par l’épreuve. Quand un espace sinistré devient un espace de créativité, la nature fait de la résistance. Ou, plus précisément, de la résilience. Ses créatures renaissent littéralement de leurs cendres, après que l’homme ait allumé la mèche et se soit enfui sans regarder la maison brûler.
Julie Delfour
Chronique, Art Animalier n°5, juillet 2010
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