Le Loup

Couverture du livre Le Loup
Flammarion
2003

L’homme et le loup, une vieille histoire d’amour… et de haine. Le loup est un animal qui fascine autant qu'il terrorise. Mais que connaît-on vraiment de lui ? De ses habitudes, de son mode de vie ? Comment en est-on arrivé à l'éradiquer et surtout pourquoi cherche-t-on aujourd'hui à le réhabiliter dans nos régions ? Ce livre apporte des réponses sur la situation passée et actuelle du loup en France et ailleurs, sans négliger la part du mythe. L'histoire du loup est en effet profondément liée à celle des passions humaines qu'il a déchaînées. Mais au-delà des légendes, on découvre aussi, au fil des pages, un animal proche des autres, mais discret par nécessité.

Photographies de Vincent Munier.

Cris et hurlements

Chez les loups, chaque individu possède son propre timbre de voix, toujours reconnaissable par un autre, y compris dans l’apparente confusion des chœurs de hurlements. Un véritable art de se faire entendre, dans tous les sens du terme, qui fonctionne comme un répertoire de sons aux multiples nuances : aboiements, jappements, gémissements, plaintes ou encore grognements.

Décliné selon pas moins de douze tonalités différentes, un hurlement peut être perçu par d’autres loups jusqu’à huit kilomètres de distance. D’après une étude américaine, les loups hurlent, en moyenne, environ toutes les dix heures, pendant une à onze secondes. Ils peuvent hurler avant ou après la chasse, comme pour signaler aux groupes voisins leur présence. Ce mode d’expression est également choisi dans d’autres circonstances précises : séparation des membres de la meute ; rassemblement des individus dispersés ; recherche d’un partenaire chez les loups solitaires ; appel d’un louveteau inquiet quand il s’est trop éloigné de sa tanière ; état d’alerte des adultes face à un danger ; cérémonies de salut du matin ; excitation (sexuelle, alimentaire, etc.) ; marquage du territoire ou encore la défense d’une proie, etc. Mais les loups peuvent aussi bien hurler à l’unisson avec, comme seule raison apparente à nos yeux… le plaisir.

Les aboiements sont beaucoup moins fréquents. Rauques et brefs, ils sont le plus souvent la ponctuation finale d’un hurlement. Mais les loups peuvent parfois aboyer sous l’effet de la surprise, ou pour dissuader un intrus de s’approcher de leur tanière. L’aboiement est également interprété par les spécialistes du comportement comme un cri d’alarme ou de protestation.

Les jappements sont une marque “d’amitié” qui accompagne la plupart du temps une démonstration plus physique (bonds, mouvements du corps et de la tête, roulades sur le dos, etc.) des sentiments amicaux, des liens sociaux qui unissent les membres de la meute. Le jappement s’inscrit dans le rituel de l’invite au jeu que l’on peut retrouver chez nos chiens domestiques.

En fonction du ton, de leur intensité et de leur modulation, les grondements traduisent toutes les nuances de l’agressivité : du simple agacement au réel désaccord, de la mise en garde à la fureur déclarée. La plupart du temps, il ne fait pas bon pour un loup qui entend gronder un congénère de s’attarder sur les lieux et d’insister davantage.

Les gémissements et autres plaintes sont longtemps restés ignorés car à peine audibles. Pour les spécialistes des loups, leur signification n’est pas, comme on pourrait le croire en se basant sur nos propres comportements, une plainte exprimant la tristesse mais plutôt un salut amical ou un signe de soumission.

Loup-garou et autres créatures

Les loups ne sont pas réels : ils sont bien le pur produit de nos fantasmes. Ce sont parfois des monstres terrifiants, ou encore des bêtes sanguinaires, tous peuplant depuis des siècles les récits fantastiques de toutes sortes et de toute provenance, qu’elles que soient les cultures et les régions du globe. Avec, parmi eux, les fameux loups-garous, focalisant angoisses et fascination. Incontournables sujets des légendes obscures, ils sont depuis longtemps passés du statut de simples créatures ténébreuses à celui de véritable mythe.

Les témoignages de ceux qui ont vu ou entendu parler du loup-garou, remontent à l’Antiquité. Ce fameux mythe de l’homme capable de se transformer en loup grâce à des pouvoirs surnaturels est évoqué dans les textes anciens d’Hésiode, de Virgile ou encore d’Ovide. Au Ve siècle avant Jésus-Christ, Hérodote fait le récit de Grecs nouvellement installés sur les bords de la mer Noire, et qui considèrent les habitants de la région comme des magiciens capables de se métamorphoser en loup et de reprendre à volonté leur apparence humaine. Une légende raconte que Lycaon, souverain d’Arcadie, sacrifia son plus jeune fils pour le faire manger à Zeus, le seul capable de reconnaître le goût de la chair humaine. Furieux de ce crime, Zeus transforma Lycaon en loup et le condamna à battre la campagne en gardant ses facultés mentales d’être humain.

Au Moyen Age, on était persuadé que les loups-garous cachaient leur fourrure sous leur peau avant la métamorphose. Ainsi, lors des procès de loups-garous, les inculpés étaient souvent écorchés vifs ou amputés d’un membre afin de vérifier s’ils avaient bel et bien une fourrure sous leur peau. On classait à l’époque ces hommes-loups parmi les sorciers et les magiciens, et, à ce titre, on s’autorisait à les brûler ou à les pendre.

Le point commun de toutes ces légendes est de mettre en scène un homme qui adopte les caractéristiques du loup : puissance, ruse, férocité, instinct de chasse. Mais elles sont si nombreuses que les visages des loups-garous peuvent varier de l’une à l’autre. Il y a les loups-garous “héréditaires” : ce sont les descendants d’un loup-garou qui leur a légué leur tare monstrueuse qu’ils traînent comme une malédiction. On connaît aussi les loups-garous “volontaires” : devenus tels par choix, par dépravation et perversion de l’âme, ils invoquaient quant à eux, non plus leurs ancêtres, mais le diable en personne et usaient de magie noire pour se métamorphoser. Enfin, il y a les loups-garous “bienveillants” : ce sont les plus ambigus, ils ont honte de leur double apparence et refusent la violence envers hommes et animaux (Guillaume et le loup de Guillaume de Palerme, XIIe siècle).

Comment devient-on loup-garou ? Il y a plusieurs recettes : on peut recevoir un sortilège ; se couvrir d’une peau de loup, par châtiment divin pour les Romains, en mangeant de la chair humaine pour les Grecs, ou, pour les Portugais, être le septième né d’une famille pauvre. Autant de moyens de le devenir, autant de causes pour le contrer lorsque l’on se trouve de l’autre côté de la barrière maléfique. Ainsi, pour lever la malédiction, plusieurs légendes préconisent de jeter des clés derrière ses pas, d’autres de jeter de l’eau sur le monstre pour le faire redevenir humain, ou de l’asperger de trois gouttes de sang. Les remèdes infaillibles sont l’association de la lumière et d’une croix (la croix symbolisant le soleil dans certaines cultures). Beaucoup y ajoutent la célèbre balle d’argent bénite auparavant et tirée dans le cœur. Difficile, après ça, d’en réchapper.

Lien Accueil
Lien Artiste
Lien Auteur
Lien Contact