Sharkwater, les seigneurs de la mer

Couverture du livre Sharkwater, les seigneurs de la mer
Milan
2008

Lorsque nous avons posé le pied sur la lune, 60% de la superficie terrestre étaient encore inexplorés. Nous en savons plus sur les étoiles que sur nos fonds marins ! Pourtant, 80% des espèces vivent dans l’océan, et les requins y évoluent depuis 400 millions d’années… Les voir disparaître compromettrait l’équilibre de tout un écosystème. Biologiste et photographe sous-marin, Rob Stewart nage avec les grands squales qui le fascinent depuis l’enfance. Au fil des plongées, du Costa-Rica aux Îles Galápagos en passant par le Guatemala, il décrypte leurs comportements pour tenter de s’opposer au mythe du « mangeur d’hommes » et dénoncer les massacres de requins commis dans l’indifférence générale.

Une longue histoire

Apparus il y a environ 400 millions d’années, les poissons ont formé trois lignées principales : les cuirassés (aujourd’hui éteints), les osseux (ancêtres de la majorité des poissons actuels) et les cartilagineux ou chondrichtyens (la lignée des requins). Les requins primitifs rivalisaient d’apparences insolites. Le premier spécimen ressemblant à un requin moderne date de 250 millions d’années, mais sa bouche s’ouvre à l’extrémité du museau et non sur la face ventrale.

Photo du livre Sharkwater, les seigneurs de la mer

C’est à partir de ces requins ancestraux qu’ont évolué et se sont diversifiées les multiples espèces qui sillonnent aujourd’hui nos océans.

Apparus bien avant les dinosaures, les requins ont survécu à cinq extinctions majeures et traversé les âges jusqu’à nos jours. La clef d’un tel succès biologique ? Un modèle évolutif particulièrement efficace : un corps souple et puissant pour la vitesse, une panoplie d’organes sensoriels affûtés pour la détection des proies, des mâchoires d’acier pour les capturer, et des modes de reproduction variés pour assurer la pérennité de l’espèce.

Le résultat ? Des superprédateurs parfaitement adaptés à leur environnement, capables de résister à tout… sauf à l’homme.

Ceux que l’on a longtemps qualifiés de « fossiles vivants » sont aujourd’hui menacés de disparition. Ce que les grands cataclysmes n’ont pu éliminer, la surpêche menace d’y parvenir en à peine quelques décennies. Dans les sociétés traditionnelles de pêcheurs, les requins sont craints, chassés pour leur chair, mais ils sont respectés, parfois même vénérés comme des divinités. Ainsi, avec le rituel initiatique du « baiser du requin », les Fidjiens cherchent à s’approprier la puissance de l’animal en embrassant son museau, et les Vietnamiens se placent sous la protection de « Monsieur Requin », puissant requin-baleine, avant de prendre la mer.

Pour tous, le squale est un guide, un protecteur auquel on rend hommage. Les peuples du Pacifique disent même avoir « l’esprit requin », l’esprit du partage, de la coexistence pacifique. On est loin de l’animal « maudit » que l’on massacre sans remords.

« Les dents de la mer », du mythe à la réalité

« Requiem est un gros poisson de mer qui dévore les hommes, qui est ainsi nommé parce que, quand on est mordu, il n’y a rien d’autre à faire qu’à chanter le requiem… », écrit le naturaliste Furetière au XVIIe siècle à propos des requins. Verdict sans appel pour un condamné nimbé de mystère. Aujourd’hui encore, les scientifiques connaissent bien peu de choses sur les mœurs de cet animal de l’ombre, étrange habitant des profondeurs. Aussi se focalise-t-on, non sans complaisance, sur ce qui frappe les imaginations : les terribles mâchoires du prédateur…

Photo du livre Sharkwater, les seigneurs de la mer

Ce que l’on ne maîtrise pas inquiète et dérange. L’imaginaire s’impose alors comme une sorte d’exutoire à l’angoisse, et l’on s’en donne à cœur joie pour décrire ce « monstre sanguinaire », incarnation du Mal, dévorant les hommes dans un océan de sang. Très vite, l’imagination simplifie, stigmatise. Partant d’un fragment du réel, elle construit « son » requin issu de nos fantasmes les plus noirs. Il n’est plus question ici des requins mais du requin, l’animal se résumant à ce seul élément effaçant tous les autres : ses dents. Les médias s’empressent de suivre le mouvement, popularisant l’image terrifiante – et fascinante – des « dents de la mer » capables d’avaler, en une seule bouchée, un homme entier…

Pourtant, la réalité est autre. « Plus j’ai passé de temps avec eux, plus je me suis rendu compte qu’ils n’avaient rien à voir avec leur image ! », confie Rob Stewart. Les requins sont des prédateurs opportunistes déployant un large éventail sensoriel et des armes redoutables. Ils savent l’art de l’approche stratégique et se fondent à la perfection dans un univers complexe tissé de vibrations et de champs électriques. L’exploratrice Anita Conti parle d’« écoute intelligente »… Non, les requins ne passent pas leur vie à tenter de nous dévorer. Les requins sont à l’écoute de leur monde. Et si nous en faisions autant ? Pénétrons dans le secret des requins. Ouvrons nos yeux et nos oreilles, et écoutons.

À télécharger

Dix idées fausses à combattre (PDF  140 Ko)

Lien Accueil
Lien Artiste
Lien Auteur
Lien Contact